Crise démocratique, impératif écologique et décentralisation : comment la Bretagne peut-elle réformer la France ?”
Après 40 ans de décentralisation, quel bilan tirez-vous de la décentralisation ?
C’est un bilan mitigé. Les collectivités territoriales ont gagné en maturité et ont montré qu’elles étaient désormais capables d’assurer l’ensemble des services publics de proximité. Cependant, cette montée en puissance s’est aussi traduite par un “Qui fait quoi” de plus en plus flou avec un législateur qui n’a cessé d’empiler au fil des années les dispositifs, les réglementations, les financements croisés. Cela a permis aux administrations centrales de l’Etat de garder un contrôle tatillon sur nombre de compétences décentralisées …
Mais au prix d’une grande confusion pour le citoyen contribuable. D’où aujourd’hui une grande défiance des Français, et des Bretons, vis à vis des institutions et de l’action publique. Il est grand temps de proposer et d’expérimenter un aggiornamento démocratique et organisationnel afin de reconstruire par les territoires cette confiance politique désormais disparue.
La Bretagne peut-elle être une terre d’expérimentation, un exemple à suivre pour la France ?
Il me semble que la Bretagne présente plusieurs qualités pour constituer ce “laboratoire” de la France gironde qu’Emmanuel Macron appelait de ses vœux lors de son discours de Quimper en juin 2018.
Tout d’abord, c’est une région très attachée à la décentralisation et elle a montré toute sa capacité, depuis 70 ans, à générer des dynamiques de développement local dans les villes comme dans les campagnes.
Ensuite, ce modèle breton se caractérise par une très forte capacité à coopérer entre les élus locaux mais aussi, et c’est très important, avec l’Etat, et notamment les services déconcentrés de l’Etat. En se basant sur ce modèle coopératif, il est possible à mon avis d’expérimenter une nouvelle répartition des pouvoirs qui correspondent mieux aux attentes de nos concitoyens en termes de responsabilité et d’efficacité. N’oublions pas que les principaux services publics qui ont fait la réputation de la France sont pour le moins en grande souffrance …
Il faut réagir, innover, révolutionner. La Bretagne pourrait être une de ces régions d’expérimentation.
Quel pourrait-être le contenu d’une telle expérimentation “à la bretonne” ?
Dans le cadre du projet de loi, suite à la mission Woerth, la Bretagne pourrait être une des régions volontaires pour expérimenter un nouveau cadre de la responsabilité politique de l’action publique. Quel serait-il ?
Pendant 5 ans, toutes les compétences non régaliennes seraient exercées de droit par les collectivités territoriales qu’elles se répartiraient librement en CTAP selon le principe de subsidiarité. Cela s’accompagnerait d’un transfert des services/agences de l’Etat non régaliens aux collectivités territoriales correspondantes (y compris France Travail, BPI etc.).
Les collectivités territoriales seraient dotées d’un pouvoir réglementaire leur permettant d’appliquer de manière diversifiée, sous réserve de contrôle de légalité, les textes de nature législative régissant la définition et la mise en œuvre des politiques publiques de leur responsabilité. Par ailleurs, des conférences Etat/collectivités territoriales (actuelles CTAP) seront réunies mensuellement pour le suivi et la gestion de ces transferts.
Enfin, un parlementarisme sera institué dans les collectivités territoriales principales, en particulier la Région, afin de distinguer fonction exécutive et législative. Au terme des 5 ans, une évaluation sera conduite sur la base d’indicateurs prédéfinis au départ de cette expérimentation.
En fonction des résultats, celle-ci pourra être pérennisée ou élargie à d’autres régions sur la base du volontariat et non d’une obligation à la généralisation.
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