Trois questions à Gwénaëlle Durand-Pasquier, membre du conseil d’administration du Breizh Lab, et agrégée des universités, professeur de droit à l’Université de Rennes, of councel au cabinet Fidal Bretagne et membre de la section immobilière (CSN) IEJ du Conseil supérieur du notariat.
En 2023, lors du congrès des notaires de France, elle a été nommée rapporteur de synthèse sur la thématique du Logement . Fort de ses 2 ans de travail sur ce sujet, elle nous dresse ici, à un mois de notre prochaine plénière sur le logement, un point de situation de la crise du logement que nous traversons.
Objectif : face à ce constat quelles sont les solutions concrètes que nous pouvons proposer ?
- Quels sont les freins pour l’accession à la propriété d’un logement en Bretagne ?
Les freins apparaissent multifactoriels en réalité. Certaines difficultés, qui expliquent la crise actuelle, ne sont évidemment pas propre à la Bretagne.
Les données davantage propres à la Bretagne, ou singulièrement exacerbées dans notre région.
L’attractivité du territoire, renforcée depuis la crise sanitaire et spécialement dans certaines zones côtières, conduit notamment à un maintien de niveau de prix parfois en net décalage avec les niveaux de revenus dans les bassins d’emplois concernés.
Le développement des meublés de tourisme joue bien évidement également dans la raréfaction de l’offre accessible.
Au-delà, c’est parfois la perspective ZAN, voire celle relative au retrait du trait de côte qui, bien que non encore véritablement mises en œuvre actuellement, peuvent constituer des freins pour certains projets.
C’est alors que la crise se montre polymorphe. Car au besoin de se loger, que l’Abbé Pierre présentait comme un besoin premier, s’ajoute des difficultés pour les entreprises bretonnes à recruter tout simplement. De là pourrait alors découler des conséquences économiques importantes. Certains chefs d’entreprises ont à ce titre fini par prendre le parti de construire eux-mêmes, moyennant parfois des partenariats, des logements pour leurs employés.
- Quels leviers alors pour faciliter l’accession ?
Heureusement ils sont multiples, c’est de la contrainte et de la crise que naissent les innovations.
Ainsi, des propositions nouvelles commencent à poindre sur le financement de la production.
On voit se développer le crowdfunding, mais aussi considérablement la Co-promotion entre acteurs du parc privé ou avec de acteurs du logement social.
Des techniques juridiques dites de dissociations du foncier et du bâti ( tel le fameux bail réel solidaire), mais également des projets originaux qualifiés de Bimby ( c’est-à-dire de construction en bout de parcelle de terrains en diffus comme en lotissement), de surélévation ( des copropriétés, mais aussi des bâtiments sociaux et des maisons) , d’habitat participatifs comment à voir le jour.
La rénovation du parc ancien, voire la mobilisation des zones commerciales et des fiches pourra aussi moyennant des techniques juridiques à parfaire, des aides à simplifier et une fiscalité de permettre de répondre à la demande.
- Et qu’en est-il pour la location ?
L’accession à la propriété d’un logement étant entravée, une pression s’exerce naturellement par effet de vases communicants sur le parc locatif.
La question est très sensible, et ceci même pour la population étudiante qui peine désormais à se loger.
Les obstacles sont divers, des logements trop souvent laissés vacants, parfois inadaptés ou qu’il faudrait rénover pour leur redonner des fonctionnalités plus actuelles, le poids des meublés de tourisme qui en fait sortir certains du parc de logements.
Au delà des questions sociologiques, comme la séparation des familles auxquelles il faut aujourd’hui deux logements là où hier un seul suffisait, pèse également sur la demande. Plus prosaïquement, la fiscalité très différenciée entre les bien meublés, et ceux loués nus interfère également.
S’ajoute finalement à cela la question des passoires thermiques et des besoins de rénovation.
Mais là encore des solutions sont envisageables. Néanmoins, celles-ci devront être adaptées aux territoires. S’agissant du meublé de tourisme par exemple ou de la fiscalité sur les résidences secondaires, il ne peut y avoir une approche unique, certaines communes étant bien évidement aussi, en Bretagne, des stations balnéaires, et nécessaires en tant que telle à l’attractivité tourisme et à l’économie.
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